Dans mon village, en hiver,
il était coutume de tuer le cochon.
Beaucoup de famille s'adonnait à ce rite.
Enfant quand je voyais arriver celui
qui allait égorger la bête,
Je partais me cacher et me boucher les oreilles.
J'ai encore dans la tête ce bruit.
Quand tout devenait calme,
je sortais.
Je ne m'approchais pas tout de suite,
je voulais être sûre qu'il était bien mort,
suspendu par les pattes de derrière,
et le ventre ouvert, plus aucune goutte de sang
ne s'échappant encore.
Mes souvenirs de cette phase sont flous,
et je préfère qu'il en soit ainsi.
Mamie ( mon arrière-grand-mère),
et madame C. aidaient ma mère pour la cuisine.
Ce n'est pas le tout d'avoir des côtes de porc, des rôtis.
Il y a aussi les saucisses... Voraces, nous piquions
dans l'énorme plat en terre, de la chair (à saucisse)
pour la goûter. Plus tard, j'ai même soufflé dans les boyaux,
un délice à cette époque, un écœurement maintenant,
rien que d'y penser. Les goûts changent.
Il y a cette fameuse soupe de boudins.
Seules celles de ma mère, et de madame C.
étaient délicieuses. En fait, je crois que c'est cette dernière
qui a appris à ma mère à la faire.
Pour la préparer, les femmes épluchaient
les légumes, mettaient à tremper les mongettes...
Le feu dans la cheminée est entretenu.
Oui, la soupe de boudin ne se cuit que dans une marmite en fonte,
sur un trépied mis dans la cheminée.
La soupe prenait forme.
Choux, carottes, les 4 épices, sel, poivre....
Les boudins délicatement déposés.
Une fois cuits, ils sont retirés.
Cette eau de cuisson constitue la base de cette soupe.
La recette exacte m'est inconnue,
Le sang est versé, plus on en met
plus la soupe est noire et épaisse.
Nous l'aimons comme cela dans la famille.
Dans l'après-midi, nous devons aller inviter les voisins,
pour venir le soir chercher de la soupe.
Le soir venu, les voisins arrivent avec leurs soupières,
le faitout, le pot au lait...
Ma mère sert la soupe.
Sa fierté, elle offre son trésor.
Nous, nous savons que sa soupe est la meilleure du village.
Ma mère n'a aucune concurrente en ce domaine.
La soirée se déroule au rythme des récipients remplis.
Chacun rentre chez lui avec assez de soupe sa famille.
Le calme fait place au défilé des voisins.
Nous mettons le couvert, nous aussi nous mangeons
de la soupe ce soir.